Le recours contre tiers est un mécanisme juridique et financier important au sein de notre système de protection sociale, permettant aux organismes de Sécurité sociale de récupérer les dépenses engagées pour la prise en charge des victimes d’accidents causés par des tiers responsables. Bien que cette démarche soit obligatoire et d’une importance financière majeure, elle reste majoritairement méconnue du grand public.
Les fondements juridiques du recours contre tiers
Le recours contre tiers (RCT) repose sur le principe initial de responsabilité civile : tout dommage causé par un tiers doit être réparé par ce dernier ou son assureur. Ce mécanisme prend son origine dans l’Article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Ainsi, la victime peut lancer une action contre le responsable afin d’obtenir un dédommagement.
Cette obligation de réparation du responsable envers la victime entre en concurrence avec les obligations d’autres personnes, les tiers payeurs. Ceux-ci sont en effet tenus, non à réparation, mais à indemnisation ou prise en charge de la victime d’accident corporel. Mais un recours contre tiers existe au profit des organismes publics ou privés ayant pris en charge l’indemnisation de la victime. Le recours contre tiers est donc l’action exercée par une caisse de Sécurité sociale qui a indemnisé les dommages corporels occasionnés à un assuré social. C’est-à-dire que la caisse d’assurance maladie est subrogée dans les droits de la victime. Elle est donc autorisée légalement à réclamer au responsable (ou à son assureur) les indemnités qu’elle a versées au bénéficiaire du régime.
S’agissant du régime général, les dispositions applicables dans le cadre du RCT se trouvent :
- aux articles L. 376-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale pour la branche maladie
- aux articles L. 454-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale pour les accidents du travail / maladies professionnelles (AT/MP).
Afin de simplifier leur gestion et de permettre un règlement plus rapide des créances des organismes de Sécurité sociale, assureurs et organismes sociaux ont conclu un protocole d’accord dénommé PAOS. Cet accord permet dans la plupart des cas de définir une assiette de remboursement forfaitaire, afin de faciliter les échanges entre assureurs et organismes sociaux.
Une multiplicité de situations de la vie courante
Les circonstances de survenance d’un accident d’un assuré social où l’action de subrogation peut s’exercer contre un tiers responsable sont multiples :
- Les accidents de la circulation (la victime pouvant être piéton, cycliste, en trottinette, passager ou conducteur d’un véhicule motorisé…) y compris les accidents en transports en commun (65% des dossiers de RCT)
- Les affaires d’agressions, de coups et blessures volontaires
- Les accidents médicaux fautifs (erreur médicale ou de diagnostic, infection nosocomiale…)
- Les accidents de loisirs (sortie ou activité encadrée, matériels ou équipements défectueux…)
- Les accidents de sports dans lesquels la faute du responsable est clairement établie
- En cas de chute dans un lieu recevant du public (magasin, locaux professionnels, services publics…)
- En cas de morsure ou blessure par un animal dont le propriétaire est identifié
- En cas d’accident dans le cadre de la vie scolaire mettant en cause un tiers (y compris un autre enfant)
- En cas de blessure causée par un produits défectueux ou toxique (appareil, matériel, alimentation…)
Lorsqu’un assuré est victime de blessures, provoquées volontairement ou non par un tiers, en France ou à l’étranger, il se doit de déclarer l’accident auprès de l’Assurance Maladie.
L’Institut 4.10 a mis en lumière cette thématique dans la revue Espace social européen N°1273 – 21 février 2025
Un enjeu financier pour le système de santé
Le recours contre tiers représente un enjeu financier conséquent et relève du bon usage du système de santé.
En 2023 et pour l’ensemble des régimes, les démarches de RCT ont permis de récupérer 847,7 millions d’euros pour la branche Maladie et 384,4 millions d’euros pour la branche Accidents du Travail – Maladies Professionnelles (AT-MP) – (source REPSS 2024). Ces montants, bien que significatifs, pourraient être encore optimisés grâce à une meilleure sensibilisation des assurés et des professionnels de santé.
Les campagnes de communication, telles que celle lancée en septembre 2024 sous le slogan « Notre système de santé, c’est aussi à chacun d’en prendre soin », visent à créer un réflexe chez les usagers pour déclarer les accidents causés par des tiers.
Déclarer une blessure ou un accident causé par un tiers
Au-delà de la victime elle-même (à l’origine de plus de 60% des signalements), la sensibilisation des professionnels de santé est indispensable pour qu’ils participent aussi à la caractérisation de l’accident. Ainsi, les établissements hospitaliers, médecins, pharmaciens, infirmiers jouent également un rôle clé en aidant l’Assurance Maladie à identifier les cas où un tiers est responsable. Lorsqu’ils mentionnent ce type d’incident sur une feuille de soins ou une facture, cela facilite le processus pour engager un recours.
L’offre de formation de l’Institut 4.10
Pour répondre à ces enjeux, nous proposons une offre de formation spécialisée pour les personnels des organismes de Sécurité sociale. Quatre modules de formation sont disponibles :
- Recours contre tiers : Protocole Assureurs Organismes sociaux (PAOS) – niveau d’expertise
- Recours contre tiers hors protocole : les fondamentaux
- Recours contre tiers hors protocole : les responsabilités particulières
- Recours contre tiers – commission d’arbitrage
Un module e-learning « Contentieux – Recours Contre Tiers PAOS – apprentissage des bonnes pratiques protocolaires est accessible auprès de la CNAM et constitue un prérequis aux modules RCT : PAOS – niveau expertise et RCT – commission d’arbitrage.
Ces formations sont conçues pour aider les agents des services juridiques et contentieux à maîtriser les procédures et à optimiser le recours contre tiers, contribuant ainsi à la pérennité financière du système de santé.
Depuis 2020 et chaque année, nous formons entre 220 et 350 stagiaires sur l’ensemble des modules de formation du dispositif Actions contentieuses de l’Assurance Maladie.
Le recours contre tiers est une procédure méconnue mais essentielle pour notre système de santé. En impliquant les professionnels de santé et en sensibilisant le public, nous pouvons renforcer ce dispositif et contribuer à alléger les charges qui pèsent sur la solidarité nationale. L’Institut 4.10, avec son offre de formation spécialisée, participe au renforcement des compétences des agents, en aidant les organismes de Sécurité sociale à maîtriser les procédures et à optimiser le recours contre tiers.